Ligne 132 Bis. Un réseau modulaire

L’appel de l’infini

Pascal :sleep:

Bonjour à tous
Impressionnant une loco la nuit alors que la ville est endormie ! Que se passe-t-il d’un côté et de l’autre ? L’imagination va bon train… vers l’infini.
Merci Pascal et à bientôt
Philippe

Bonjour Philippe, Bonjour Tout le monde

Gros Avatar

Cordialement

Pascal :sleep:

Bonsoir,

05 septembre 1914 à Viroinval

T3 nouvel 2012a.jpg

Je visite toujours le forum et j’adresse ce petit clin d’oeil à tous mes amis.

Pascal :sleep:

Bonjour Pascal,

Content d’avoir de tes nouvelles .

Toujours aussi belles tes photos

@+

Bonjour Pascal,

Merci pour cette jolie photo sépia qui rend ce cliché “historique”. En plus, je suis un inconditionnel des petites locomotives T3, que j’ai mis en scène sur mon petit réseau la semaine passée.

J’espère que nous reverrons de jolies scènes comme celle-ci dans pas trop longtemps :wink: :wink:

Amitiés morbihannaises

c’est vraiment génial j’adore tes photos on est forcément redemandeur !!! :smiley:

Belle ambiance.
Bien à toi Pascal.
Jean-P.

Bonjour Pascal, :wink:

Mais c’est parfaitement réciproque et c’est toujours avec un très grand plaisir que nous recevons tes magnifiques “cartes postales” de Viroinval !

Sans oublier le petit mot qui les accompagne afin d’avoir quelques nouvelles… :slight_smile:

Bonne semaine ! :sunny:

hello Pascal :smiley:

bien content d avoir de tes nouvelles :smiley:

et comme d habitude de superbes photos :appl:

Serge

Bonsoir à tous.

Merci pour vos réactions.

Voici une petite histoire que j’avais publiée sur papier il y a deux ou trois ans et distribuée lors de deux expos. Le public avait plutôt apprécié à l’époque.

L’Omnibus de 17 h 34

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Il est tard. Je ne dors pas et je rêve. Je fouille dans mes souvenirs et dans mes tiroirs. Mon père aimait photographier. Tout et rien. La famille, le quotidien.
Quelques photos sont éparpillées sur mon bureau. Sur la pochette défraîchie, juste sous le sigle Agfa encore teinté d’un orange pâle, ces quelques mots, tracés au stylo plume : Viroinval, 19 août 1956. Omnibus de 17 h 34.
Je me laisse envahir des émotions de mon enfance qui montent en moi comme la mer revient sur le sable pour s’enfuir à nouveau.

Je me souviens très bien de Monsieur Burkel et de Monsieur Snoek, deux figures typiques de la région.

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M. Burkel tenait une petite librairie au village et M. Snoek dirigeait en amateur averti la petite fanfare de Viroinval. C’est lui qui m’a initié au solfège. Malgré ses efforts et sa patience, je n’ai jamais pu sortir un son correct d’un bugle. Ma carrière musicale s’est arrêtée là.
Chaque mercredi, juste après le dîner, je filais à la librairie Burkel, en face de l’église… J’étais armé de ma pièce de cinq francs, pour acheter le journal Spirou. Mon seul accès au monde extérieur. C’est ainsi que j’ai appris à lire. Mon Dieu que tout cela est bien loin !

Je n’invente rien, je raconte simplement ce que les photos dévoilent de l’atmosphère villageoise de Viroinval. Ici, c’est Monsieur Roulin qui revient de la ville comme chaque jeudi, avec l’omnibus de 17 h 34. Chaque semaine, c’est le même manège. La même valise brune… Vous voyez, une de ces valises comme celles de l’avant guerre, en carton bouilli, façon imitation cuir, avec des renforts métalliques rivetés aux quatre coins…
C’est la même serviette de cuir noir, aussi, avec un large rabat fermé d’une grande boucle.

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Monsieur Roulin s’occupe de réparer le petit matériel électrique, comme les radios ou les grille-pain, pour les gens du coin. Il travaille dans un petit atelier, chez lui, à droite au fond de la cour. On y trouve la lampe, pour dépanner le poste. Ou plutôt le « posse », comme on disait chez nous.
Il y a encore des grosses piles, quelques torches électriques, mais d’un modèle plutôt ancien, dans leur emballage tâché et déjà jauni. Le tout est posé, distraitement, sur un coin de son établi. Personne n’a jamais su ce qu’il allait faire à la ville le jeudi, ni ce qu’il transportait dans sa valise de carton.
Je ne connais personne qui ait un jour franchit le seuil de sa maison… Les villageois entraient directement dans l’atelier. C’était comme ça.
Je me souviens très bien du bouton de la sonnette, accroché au mur, sur une planchette de bois, à côté de la porte, dans son boitier brun en bakélite…

Quant à Madame Lechat, toujours impeccable dans son tailleur rose, elle s’en va chez sa fille, qui habite une élégante villa de pierre bleue, pas très loin de la gare terminus de Valmarie, perdue au milieu de nulle part. Madame Lechat a été pendant des années l’institutrice du village.

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Tous les enfants de Viroinval sont passés chez elle pour apprendre la lecture et les rudiments du calcul. Quelle patience d’ange elle avait pour dégraisser les cancres et les faire avancer, péniblement mais sans jugement. Elle prenait chacun là où il se trouvait et lui apprenait le maximum de ce qu’il pouvait apprendre. Jamais un mot plus haut que l’autre, mais à côté d’une rigueur et d’une fermeté sans faille, un regard bienveillant que jamais personne n’aurait voulu décevoir. C’est grâce à elle, assurément, que toute une génération de galopins de chez nous a pu faire carrière dans les administrations de l’après la guerre. Elle a formé des douaniers, des gendarmes, des gardes-forestiers et toute une escouade de fonctionnaires au ministère des finances. Ils ont migré vers Bruxelles.

Enfant, je venais souvent avec ma grand-mère du côté de la gare. On s’asseyait au bord de la route, un peu en contrebas du passage à niveau. On regardait passer le train. Ce n’était rien, c’était tout.

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Les roues de la locomotive, énormes, m’impressionnaient… Surtout les bielles et les barres, avec leurs savants mouvements plein de mystère mélangé de grâce et d’harmonie. Le machiniste actionnait alors le sifflet et nous nous trouvions noyés dans un brouillard de vapeur à l’odeur âcre.
Les émotions que je ressentais alors résonnent encore en mon âme de leur écho.

Je dois beaucoup à mes grands-parents. Ils ont semé en moi une large partie de ce que je suis devenu.

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Plus tard, sous le regard de Monsieur Masson, le dernier chef de gare, dont l’oeil noir de circonstance cachait, dans le fond, un complice amusé, notre bande de gamins jouait à déposer sur la voie quelques pièces de 50 centimes… Vous vous souvenez certainement des ces belles pièces cuivrées à tête de mineur… On les collectionnait ainsi, aplaties après le passage du train. J’en ai toujours une, symbole d’une époque à jamais révolue… Je la replace maintenant dans sa boite d’allumettes Union Match où tant de souvenirs sont enfermés.

Je m’appelle Jean-Pierre Roulin.
J’ai 54 ans. Déjà. Qui aurait pu croire que cela m’arriverait un jour ?
Je vis, seul, à Viroinval, dans la petite maison que m’ont laissée maman et papa.
Je marche sur le quai, lentement.
Je viens de croiser Snoek et Burkel. Ils se sont salués. Ils ne m’ont pas vu.
Suis-je une ombre ? Je prolonge la vie de leurs postes pour trois fois rien.
Des scories crissent sous mes pas. Mon talon me fait souffrir.
Je ne suis pas marié.
Je n’ai pas osé. Aimée Lechat vient de monter dans la voiture, je lui ai ouvert la portière.
J’ai voulu croiser son regard. J’ai baissé les yeux.
Elle a simplement murmuré un « merci Jean-Pierre ». J’ai frissonné. C’est tout.

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Tantôt je serai à la maison. J’attendrai 19 h pour les nouvelles.
Je plongerai deux oeufs dans l’eau que j’aurai fait bouillir dans mon poêlon. Je les y laisserai une minute, précise. Je les casserai à peine cuits, dans mon bol. Le jaune, toujours le même. Ne pas oublier l’oignon que je dois hacher. Une cuillère à soupe d’huile, un peu de vinaigre. Je m’assiérai, dos à la cheminée, face à la porte que jamais personne ne franchit. Je tremperai mes morceaux de pain dans mon bol. J’aime ce plat simple jusqu’à l’extase. J’attendrai la nuit. Je franchirai demain, je traverserai après-demain, encore.

Je me sens vague, et vide et vain. Qu’ai-je fait de ma vie ?

Monsieur Masson est un homme qui a marqué le petit monde de Viroinval.
Toujours le sourire aux lèvres, méticuleux dans son travail, précis comme un horloger : les trains arrivaient parfois en retard, mais partaient toujours à l’heure. C’était comme ça dans la petite gare de Viroinval.

Il avait un ventre énorme, enveloppé dans un sempiternel gilet rouge tirant sur le bordeaux.
Comme bien des gens de mon pays, Monsieur Masson était un gros mangeur.
Oh, des choses simples, bien sûr, que lui préparait avec tendresse sa chère Madame Masson.
Les incontournables vitoulets à la Trappiste, qu’elle servait le mercredi à midi, avec les frites, passées deux fois, et dorées tout juste comme il faut. Quelques-unes légèrement roussies, séjournaient au fond du plat, craquantes, croquantes, salées… Et le samedi, bien sûr, le samedi. La retirée du samedi…
Un plat mijoté toute la matinée sur le poêle à bois, les parfums chauds et doux révélant toute la bonté de notre terre, venaient chatouiller les bancs de la petite salle d’attente. Je revis et je ressens ce monde perdu.

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Ils étaient trois frères, les Masson. Le chef de gare, qui serait le dernier de Viroinval, était l’aîné. Venait ensuite Casimir, qui habitait à la rue des Thanasse. Puis le petit dernier, Arthur, qui avait hérité la bâtisse familliale des Hauts Culots.

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Arthur était l’intellectuel chez les Masson. Il avait été au pensionnat, dans un Collège des bords de Meuse. Il avait une belle place, pour ça, oui. Il était clerc principal, chez Maître Vandermeulen, le notaire de Valmarie. Il écrivait aussi des articles dans un journal local et s’essayait parfois à l’écriture de poésies et d’anecdotes du coin. Il en avait même écrit un recueil qu’on ne trouvait qu’à la librairie Burkel. J’en possède un, que je garde précieusement dans ma bibliothèque.

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Le train de 17 h 34 quitte Viroinval ce jeudi 19 août 1956. Il s’en va par-delà le pont de pierre, de l’autre côté du tienne, il s’en va, chargé de ses histoires, il s’en va, chargé de vie et d’émotions, il s’en va vers une autre gare, à l’autre bout du tunnel, en quête d’âmes et de mots…

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Je n’ai aucune autre ambition, en balbutiant le modélisme, que de jouer au petit train électrique. Je suis bien conscient de la pauvreté de mes réalisations. Alors, je les habille de mots.
Le modélisme ne s’arrête pas au train ou à l’écrin du décor. Le tout s’inscrit dans un scénario. Il s’agit aussi de donner du relief, une profondeur, une histoire ou même une âme aux personnages. Pour moi le modélisme est un univers à part entière, ou une portion d’un univers que je recrée. L’aspect de la création littéraire en fait partie intégrale. C’est donc volontairement qu’en montrant quelques photos d’une vieille locomotive ou de quelques voitures, je n’en parle pas. Je tente par contre de créer une atmosphère par les mots.
Les mots, qui n’existent pas sur les réseaux, me permettent ici de mettre au jour ce qui se passe dans la tête des personnages et de dévoiler ce qui serait à jamais caché et perdu dans les décors. On oublie trop souvent les personnages. Ils ont droit à une vie et à une âme… En vertu de quelle injuste condamnation devraient-ils rester muets ? Le train passe, il raconte une histoire, voilà tout.
Le miracle des mots, si l’on y réfléchit bien, est de rendre présent ce qui est absent. Pénétrer dans la tête de Monsieur Roulin a été pour moi bouleversant. Je n’en suis toujours pas revenu. Qui aurait pu croire en effet, que ce simple passant de plastique, anodin, banal et invisible, transportait dans son énigmatique valise l’absurde de toute une vie ?
C’est aussi ma façon à moi de parler de ma passion pour les petits trains électriques et de la scène sur laquelle je les oblige à évoluer. Il y a tout un univers sous ces quelques taches de peinture. Je le sentais bouillonner sous le plâtre et le papier. C’était mon devoir de le faire apparaître au jour.
Pour moi, effectivement, le modélisme ferroviaire est une démarche qui s’apparente à la création romanesque ou théâtrale. C’est une plongée dans le monde imaginaire ou dans la réalité reconstruite et déguisée.
Ce que je viens d’écrire est ma conception humoristique du modélisme ferroviaire. Elle n’est valable que pour moi. Vous vous faites tout un monde avec rien ! Cela me fait du bien. C’est ma façon, enfin une de mes façons, de cueillir le jour.
Pascal :sleep: :sleep: :sleep: Bon je me rendors pour au moins 6 mois après cet effort de publication… :clown:
Viroinval, août 1956

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Bonsoir à tous ! :wink:

Pascal, ah quel talent de *“conteur” *! :cheers:
…merci d’en faire profiter - sans “compter” - les membres du forum… :thks:
…et tout cela pendant que certains sont encore capables de “compter” les rivets des voitures à portières latérales de chez Märklin ( :mrgreen:)

J’avais bien gardé - en lieu sûr - le document “Marienthal 1956 Éditions” aimablement adressé par son auteur… :study:

…et puis, maintenant, on “compte” découvrir le prochain, mais bien avant six mois ! :sunglasses:

Bonne soirée :sleep:

Hello Pascal :smiley:

Merci beaucoup pour cette histoire pleine d émotions , d amour et de nostalgie :smiley:

A ton talent de photographe s ajoutent tes talents de modéliste et de conteur :smiley:

Encore une fois merci Pascal

Serge

:appl:

Bonjour Pascal, bonjour à tous.
Quelle belle résurrection !
C’est toujours un plaisir de lire - ou de relire - votre scénario de Viroinval.
Votre synthèse me rappelle les histoires que l’on se racontait à voix basse quand on jouait déjà au petit train ou aux petits soldats. Nous nous inventions des aventures à la Jules Verne. Les filles en faisaient de même avec leur poupées. Je crois que nous jouons tous les deux de la même façon avec nos chers petits trains bien des années après. Mais…je ne pense pas que nous soyons les seuls sur ce forum, à voir les réactions de chacun !!!

Revenez nous voir avant six mois, cela nous fait tellement de bien.
Amitiés
Philippe

Bonjour,
J’ai lu tout votre post avec fascination, quel talent ! Vous êtes le Marcel Proust du modélisme. Incroyable d’utiliser un support mécanique, électrique, électronique pour le transformer en poésie. Bravo et merci pour cette “madeleine” ferroviaire. Et de grâce ne nous faites pas patienter six mois…
Jean-Luc

he bhen Pascal bonjour : c’est Hollywood
félicitations, merci Patrice

Bonsoir,

Je me réveille pour vous dire merci, vos réactions me font plaisir.

A bientôt.

Pascal :sleep:

Bonsoir Pascal,

Un grand merci pour ce conte si bien écrit et plein de poésie. Amateur d’époque I et II je suis tout à fait d’accord avec l’idée que pour faire revivre une époque révolue, il faut qu’en plus de la représentation modéliste, une histoire autour d’un réseau. En lisant ces lignes je me suis souvenu de ma grand-mère qui m’amenait voir passer les trains à vapeur dans les années 55 - 60 au passage à niveau d’Héricy, une petite commune de Seine et Marne. A cette époque il y circulait pour autant que je m’en souvienne des 141 probablement “R” avec en mémoire le grondement de la machine, la vapeur et l’odeur si particulière qu’on ne l’oublie pas.
Bon, sur cette note qq peu nostalgique il est temps d’aller faire de beaux rêves !
A bientôt je l’espère. :zzzz: