Un grand merci à vous !
72 ans, ce n’est pas vieux de nos temps, il est vrai. Mais quand je pense qu’un collègue à moi qui a encore assuré un intérim de deux ans jusqu’à l’été, vient de se faire diagnostiquer un cancer prostatique agressif avec de nombreuses métastases dans les os, à 69 ans, et qu’il risque de ne pas vivre ses 71 ans… les choses se rélativisent.
Ce qui est presque pervers, c’est que mon papa n’a pas souffert des tumeurs. Il a souffert de la chimiothérapie, il a souffert psychiquement de l’ablation de la prostate avec tout ce qui s’y attache, il a très rapidement décliné ces derniers mois alors qu’au mois de mai il était encore capable d’attacher sa caravane et de nous voir en Saintonge (1400km, tout de même !) en ayant passé par l’Alsace. Mais il n’a jamais eu de douleur, rien. Et pour cette absence de douleurs, nous sommes reconnaissants. Comme disait son docteur, beaucoup de souffrances lui ont été épargnées.
Je crois savoir, Philippe, ce que vous voulez dire. Et oui, même si mon goût ferrovipathe s’est assez éloigné de celui de mon Papa, je crois qu’il aurait aimé ce que sera Eisenloh. Et que ses locomotives s’intègrent dans ce projet, oui, on peut dire d’une certaine façon que ce sont elles qui l’arrondissent.
Un poète silésien dont le pseudonyme est “Angelus Silesius” disait : “l’héritage que tu as reçu de tes pères - tu dois l’acquérir pour le posséder.” [size=85]Was du ererbt von deinen Vätern, erwirb es, um es zu besitzen.[/size] Je pense qu’il y a une grande part de vérité dans ce petit aphorisme.
D’ailleurs, mon violon que je ne joue pas souvent à cause d’une pathologie dans la main gauche, c’est l’instrument que mon père a joué durant ses études, pour son diplôme de fin d’études et durant de longues années encore avant de me le donner pour s’offrir un autre. Je ne le vendrai pour rien au monde. Et de temps en temps, je le sors de son étui, je l’accorde, je fais quelques petites gammes. Et je le remets dans son étui.
Et quand aujourd’hui ma petite dernière ne veut pas aller dormir sans avoir vu tourner les trains, je me vois encore devant le réseau de mon père, sur la pointe des pieds pour pouvoir voir les trains ou sur ses bras, émerveillé par ces petites machines qui tournaient et qui obéissaient à son doigt sur les boutons. Comme dans cette pub’ pour Werther’s Original (en Allemagne), “quand j’étais petit, mon grand-père me donnait des Werther’s Original. Aujourd’hui c’est moi le grand-père et bien sûr, je donne à mon petit-fils des Werther’s Original.”
Mon fils de 15 ans a ses propres trains, tous cadeau de mon père (sauf quelques wagons et quelques coupons de rail que je lui ai offerts), il n’est pas forcément ferrovipathe car il a trop d’autres choses en tête comme les JSP et une carrière militaire, mais il aime bien et ne céderait pour rien au monde son petit train. Je m’y vois gamin. J’y vois un peu mon père. Je le vois, allongé par terre le jour de Noël quand il avait offert le premier train au gamin, et les deux jouant ensemble.
Il est parti. “ici-bas nous n’avons pas de cité permanente”. Le souvenir reste, et c’est bien ainsi, tant qu’il ne nous empêche pas d’avancer. Mais qui n’a pas de souvenir, n’a pas d’avenir.
[size=85]Si je vous saoûle, il faut le dire.[/size]