Locomotives à vapeur allemandes (spécificités)

Bonjour Yann,

effectivement, ce site regroupe surtout les séries créées après 1925, ou dont il y a encore des exemplaires en état de rouler.
Mais je reste confiant qu’il évoluera, c’est quand même le site de la Société Allemande de l’Histoire du Chemin de Fer, qui est une association renommée et gérant de plusieurs musées (Neustadt/Weinstraße, Bochum-Dahlhausen, pour ceux que je connais, et il me semble qu’il y en a d’autres). Leur journal de publication est un peu sur le style de “Historail”, mais avec bien plus de diversité d’auteurs et une connaissance bien profonde des sujets là où Historail laisse parfois à désirer (notamment quand le sujet dépasse les frontières du pays… :scratch: )
Je suis quand même surpris de trouver sous “Baureihe 38” juste une photo d’une P8 en livraison d’usine - les camarades devraient savoir que la BR 38 regroupe plusieurs séries de différentes provenances de locomotives 230 à vocation de trains à voyageurs mais pas trop rapide (P - les locos pour trains rapides étant classées S)… des saxonnes, des bavaroises de plusieurs types, des badoises, des prussiennes enfin…

Il n’y a pas que les séries 98 et 99 qui font fourre-tout. À commencer par les séries 88, les locomotives B-tender ou 020T, toutes déjà bien vétustes en 1925. Puis les 89, C-tender ou 030T de toutes sortes, certaines considérées comme vétustes (la T3 prussienne p.ex.) mais avec une longévité surprenante.
Les 97 sont les locomotives à crémaillères. Il n’y a pas eu énormément de types différents, et seulement quelques exemplaires de chaque type.
Les 98 regroupent les machines des chemins de fer vicinaux, notamment de Bavière. Effectivement il y a une grande diversité de types, d’où l’importance de faire la différence entre une 98.0 ou une 98.8 (on prend les centaines du numéro d’ordre).
Les 99 finalement sont les locomotives à voie étroite. Là, vu l’énorme diversité de types et le peu d’exemplaires de chaque, la série se décrit comme suivant :
Pour une locomotive 99 bcd, on définit la série comme “99.bc”.

Bien entendu, le “fourre-tout” est structuré, d’abord pour les locomotives du plan de 1925 :
les locomotives 1000mm, les 99 001 - 99 299
les locomotives 900mm, les 99 301 - 99 399
les locomotives 785mm, les 99 401 - 99 499
les locomotives 750mm, les 99 501 - 99 599
plus certaines séries considérées comme vétustes et classées dans les >99 7000

La DR de la RDA a englouti par “transfert en propriété populaire” un très grand nombre de chemins de fer locaux, régionaux ou privés, ce qui a augmenté le besoin de numérotation. On les a regroupées comme suit (j’y intègre les nouveaux numéros depuis 1970, données aux séries précédentes en ajoutant un chiffre a) :

Numéro 99 abcd
les locomotives de 600mm, le chiffre a = 3
les locomotives de 750mm, le chiffre a = 1 ou 4
les locomotives de 1000mm, le chiffre a = 5, 6 ou 7
les locomotives de 900mm, le chiffre a = 2 (elles sont donc toutes 99.23xx, puisqu’il n’y en a pas de récup’ après la nationalisation)

le chiffre b décrit la charge maximale d’essieu en t (ou Mp, environ 10.000N).
Pour des charges >10t, on enlève le 1 : 11t ->1
La 99 4621 conservée à Putbus (Rügen) est donc une 750mm à 6t de charge maximale.

On s’écarte un peu du sujet initial, Daniel - serait-il possible de transférer cette réponse dans un sujet à part et dans le bon rayon ? Merci d’avance !

[size=85]Bonjour, c’est fait, “Historique” et on peut encore modifier le titre…(Animateur 17.03.17)[/size]

Bonsoir Wolfram,
Merci pour ces intéressantes précisions sur les principes de numérotation des machines Allemandes, mis en place sous la DRG en lieu et place des numérotations des différentes compagnies.
Jusqu’alors ma bible en matière de documentation est la publication par Rockandrail en 2007 sous le titre Petite histoire de la DRG. J’en profite pour le remercier pour sa contribution.
Effectivement il fait allusion aux principes de numérotations, je cite qq lignes de ce volumineux document :

*“Les numéros de série sont suivis d’un numéro d’ordre comportant trois ou quatre chiffres de sorte que jusqu’à 9999 locomotives peuvent être immatriculées au sein d’une même série. La capacité du système n’a jamais été dépassée.”
"Il y avait en effet des locomotives au type 2’C en provenance de Bavière, de Bade, de Prusse et de saxe.

Pour que l’on puisse identifier ces sous séries,

  • les locomotives 2’C bavaroises (bay.) à vapeur humide ont reçu les numéros 38 001 et
    suivants ;
  • les locomotives 2’C saxonnes (sä.) ont reçu les numéros 38 201 et suivants ;
  • les locomotives 2’C bavaroises (bay.) à vapeur surchauffée ont reçu les numéros 38 401 et
    suivants ;
  • les locomotives 2’C prussiennes (pr.) ont reçu les numéros 38 1001 et suivants ;
  • les locomotives 2’C badoise (bad.) ont reçu les numéros 38 7001 et suivants.

Afin d’identifier directement la sous série, le premier des trois chiffres complémentaires ou les deux premiers des quatre chiffres complémentaires sont inscrits en exposant après le numéro de série principal. Ce qui donne pour les locomotives de notre exemple ci-dessus :

bay. 2’C vapeur humide : 380
sä. 2’C : 382-3
bay 2’C vapeur surchauffée : 384
pr. 2’C : 3810-40
bad. 2’C : 3870
*

Je vais me replonger dans ces articles et mettre à jour ma base de donnée de modèles réduits pour l’instant plutôt simplifiée.

Cordialement,

Bonjour Yann,

l’ami RockandRail que je salue pour l’occasion, a tout à fait bien décrit les choses.

Il y a peut-être à ajouter que de nos jours on passe de plus en plus du système classique de notation (38² par exemple) à la manière plus simple de mettre un point : 38.2 - ce pour la simple raison que c’est plus simple à écrire, et ne perd pas son sens en recopiant un texte non formaté (où la série 38² deviendrait éventuellement 382).

À ne pas perdre de vue non plus que des 2’B (220), des 2’C (230) et des 1’D1’ (141) existent en classe S (Schnellzug, rapide) et en classe P (Personenzug, moins rapide - de mémoire, la différence est que les S font 110km/h ou plus, alors que les P restent en dessous). Les séries respectives sont :
en S 13, en P 34 pour les 2’B
en S 17, en P 38 pour les 2’C
en S 19, en P 39 pour les 1’D1’

Et si on veut remarquer que la numérotation bavaroise (nombre d’essieux motrices/nombre total d’essieux) augmentée du tonnage par essieu restera en vigueur jusqu’à la fin de la vapeur, en “Gattungszeichen”, soit P3/5.17 pour notre 38.10, S3/6.18 pour la S3/6 et également pour la série 03 (la 01 est classée S3/6.20)… :wink:
Les locomotives pour trains à fret portent le sigle G : Güter, marchandises, et les locos-tender y ajoutent un t en minuscule. La BR 78 ex T18 prussienne sera donc Pt3/7.17. Les locomotives pour lignes à crémaillères portent le sigle Z (Zahnrad, roue dentée), celles pour les lignes vicinales le L (Lokalbahn, chemin de fer vicinal), les locos à voie étroite le K (Klein, petit).

Si les machines reprises des chemins de fer régionaux sont inscrites dans les séries 13-19 (S), 34-39 §, 53-59 (G), 71-79 (Pt), 88-96 (Gt), les nouvelles constructions de la Reichsbahn prendront les séries 01-05 (S), 23-24 §, 41-45 puis 50,52 (G), 60-62 (St), 64 (Pt), 80-87+89" (Gt).

Bonsoir Wolfram,
On a de quoi s’occuper l’esprit avec cette numérotation ex Landers ! Reste un point qui m’interpelle :
*“A ne pas perdre de vue non plus que des 2’B (220), des 2’C (230) et des 1’D1’ (141) existent en classe S (Schnellzug, rapide) et en classe P (Personenzug, moins rapide - de mémoire, la différence est que les S font 110km/h ou plus, alors que les P restent en dessous”. *
Cette distinction est courante pour des machines modernes électriques multiservices, dont la vitesse est ajustable via la démultiplication des engrenages réducteurs, mais je ne vois pas comment cela pouvait se faire sur une vapeur. S’il y a une numérotation différente fonction d’un service différent, il doit y avoir des données techniques différentes. Serait-ce les diamètres de roues, souvent changées en fonction des évolutions des machines par ex séries Bavaroises base S 3/6 ?
Cordialement,

Bonjour Yann,

j’ai failli ne pas voir ta question…

et oui, alors que les locomotives modernes peuvent être polyvalentes (les françaises des années 1960-1990 ou les grands diesels DB par changement de rapport d’engrenage, les tout récentes tout simplement à cause de la gestion électronique des courants permettant d’utiliser un moteur et à haute force et à grande vitesse), les machines à vapeur ne le sont pas. Les électriques DB non plus d’ailleurs - si on ne change pas le diamètre de roues, on change le rapport de démultiplication, ce qui fait qu’une 110 DB peut faire 150km/h, une 139 DB seulement 110km/h - mais c’est là la seule différence entre ces deux séries (en voie de radiation).

Pour une machine à vapeur les choses sont bien plus difficiles. Il n’y a pas que les roues qui tournent, il y a les bielles qui oscillent. Et ces bielles, du fait de leur poids, créent des forces linéaires très importantes, qui limitent techniquement la vitesse de rotation de la machine. (Dans les vidéos de notre ami Jean Vernet tournées sur les bateaux du lac Leman, on voit que leur machine à vapeur tourne à un régime d’un ou deux tours par seconde, au maximum !
La vitesse maximale techniquement possible avant décomposition forcée d’une locomotive à vapeur est estimée à environ 7,5 tours de roue par seconde. A cette vitesse, les forces de mouvement oscillant sont déjà énormes, et d’autant plus grandes si on a beaucoup d’essieux accouplés - d’où la tendance prussienne de rester avec des locomotives à deux essieux moteurs, jusqu’à la S6. Le diamètre du cylindre et donc le poids des pistons, ainsi que le poids du biellage joue aussi ; les locos G en règle générale tournent un peu plus lentement que les S à cause de leurs bielles plus lourdes.

Prenons un fait réel. Quand Garbe a fait construire la P8, il a voulu la faire fonctionner jusqu’à 110km/h, ce qui est une bonne vitesse en 1906. Mais à cette vitesse la machine se secoue tellement qu’on craint pour la santé du personnel, et la P8 est limitée à 100km/h. Pour les vitesses plus élevées, est construite la S10, puis S10.1 et S10.2, qui ont un diamètre de roue de 1980mm, alors que la P8 n’a que 1750mm.
Les locos de la famille S10 avaient, en plus, un nombre de cylindres plus élevé pour “arrondir” le mouvement, c’est un autre point, mais il y a autant de locos en G à quatre cylindres qu’en S.
La P8 tourne à 5 tours de roue par seconde au max, une 01 (130 km/h, 2m) arrive près de 6 tours mais est mieux équilibrée. La 05 002 (2m30), lors de son record mondial de vitesse, a tourné à 7,7/s, mais c’est une machine spécialement préparée, avec des roulements particuliers dans les bielles et qui en service normal était limitée à 150 km/h !

Le gros problème des machines à grandes roues est le démarrage du train. À une course de piston soit demi-tour de roue, une 01 (2m de roue) avance de 3m14. Le risque de patinage est élevé.
Pour les marchandises on construit donc des machines à petit diamètre de roues motrices, ce qui a l’avantage de pouvoir en mettre beaucoup, si toutefois on arrive à les faire s’inscrire en courbe.
Prenons l’exemple de la G10 prussienne - elle est en 050, reprenant le châssis de la T16 (avec quelques modifications reprises pour la T16.1) et la chaudière de la P8. Son diamètre de roues est de 1350mm, sa vitesse maximale autorisée de 60km/h. Cela équivaut à 4 tours de roue par seconde.
Ceci pour souligner qu’avec la même chaudière, selon l’appareil roulant on crée une machine à voyageurs (P8) ou une à lourds trains de marchandises (G10).
D’ailleurs, pour l’anecdote, si on trouve des P8 avec deux boîtes de sable sur la chaudière, c’est que cette chaudière a été prise sur une G10, en échange standard.

Je ne sais pas si j’ai été très clair, n’hésite pas de me le faire remarquer si tu ne comprends rien…

Bonjour,
Merci Wolfram pour ce cours sur la technologie vapeur, tout à fait clair et instructif. Je me demande si la technologie trois cylindres (en vogue actuellement dans le domaine automobile) n’avait pas pour but d’équilibrer le mouvement des embiellages, donc de tourner peut être plus vite à diamètre de roue modéré, sans avoir la complexité du compound. Je pense par ex aux P10, BR39 ou BR58.
L’ajustage des diamètres de roues après la mise en service de certains modèles était chose courante, je pense par ex à la BadIV dont les roues sont passées de 1,80 m à 2 m lors de l’évolution de la série. Je crois me souvenir qu’il en a été de même pour les S 3/6. L’augmentation de diamètre allait souvent de pair avec un réalésage des cylindres.
Intéressant cette info sur la vitesse de rotation max limitée à 7,5 t/s. Je me demande si les machines US n’ont pas fait mieux, ex Challengers et Big Boy avec leur boites à rouleaux équipant les parties mobiles des embiellages. Quand on voit qq vidéos de machines actuelles en pleine vitesse, c’est impressionnant, d’autant qu’elles ne doivent plus être maintenant poussées dans leur limites.
En ce concerne le déclassement de S en P, après recherches, il me semble qu’il ne s’agisse que de numérotation et classement, sans intervention technique quelconque sur les machines en question.
Cordialement,

Bonjour Yann,

une augmentation de l’alésage emporte une augmentation de la puissance, pas de la vitesse - en agrandissant les roues on pourrait plutôt augmenter la course.
Mais je viens de vérifier pour la S3/6 :

pour la première série (1870mm), alésage hp/bp 425mm/650mm, course hp/bp 610mm/670mm
pour les roues hautes (2000mm), alésage hp/bp 425mm/650mm, course hp/bp 670mm/670mm

Les dernières séries, reprenant les roues 1870mm, reprennent aussi leurs dimensions de cylindres.
30 de ces dernières furent “reconstruites” (comme on aurait dit en RDA) par la DB, ce qui donna la série 18.6.
Là, on trouve une différence :

avant transformation, alésage hp/bp 425mm/650mm, course hp/bp 610mm/670mm
après transformation, alésage hp/bp 440mm/650mm, course hp/bp 610mm/670mm

En d’autres mots, on augmente le volume des cylindres hp et en même temps leur puissance, et par conséquent on augmente la quantité de vapeur transmise aux cylindres bp. La machine compound, toute une science.
Avec, en plus, de nouvelles chaudières, la puissance indiquée augmente de 1830 PSi à 1950 PSi.
Pour le protocole, toutes ces séries étaient limitées à 120 km/h.

La P8 était prévue pour classement en S, elle n’a jamais porté ce sigle - il aurait fallu soit revoir la construction soit revoir le classement, donc c’est cette dernière solution qui a été choisie. 4 ans après, est apparue la S10 aux roues de 1980mm et moteur 4 cylindres. Ce qui veut dire gourmands… Vmax=110 km/h [size=85]puissance indiquée 1170 PSi, contre 1500 PSi pour la S10.1 en compound (120 km/h). 1180 PSi pour la P8.[/size]
On peut donc parler d’une erreur de construction.
Aucune construction ancienne n’a été “déclassée” par la DR, ainsi on trouve des 13 (220, 2’B) à Vmax=85km/h et une 14 (221, 2’B1’) à 90km/h… et les 13 et 14 sont clairement des S…
Après, que leur utilisation vers la fin soit plus en accéléré léger qu’en rapide, c’est une autre histoire.